jeudi 27 août 2015

Rouge ou mort

David Peace, Rouge ou mort, 2014.
La saison de football vient de recommencer et les championnats nationaux sont en pleine effervescence. Les supporters sont déjà au top de la motivation et les entraîneurs sont encore en confiance ou déjà sur la sellette. Le suspense est à son comble. Se plonger dans cette ambiance, c'est entrer dans un monde où la performance est reine, où la compétition est la seule raison de vivre et où les
journées se succèdent, tel un drame en plusieurs actes. C'est du moins ce qu'on ressent en lisant l'énorme biographie romancée de Bill Shankly, emblématique manager de Liverpool de la fin des années 50 jusqu'à l'aube des années 80. C'est l'époque où le football connaît une importante phase de transformation, passant de l'amateurisme à un état institutionnel dominé par la stratégie financière et la recherche de la victoire à tout prix. Durant toutes ces années, on voit le monstre prendre forme et l'humain devenir secondaire. Mais Bill Shankly fait de la résistance et met la personne au centre de tout. Le joueur, avec ses qualités individuelles, qui met sa force au service de la cohésion et se fond dans le groupe. Le manager qui ne se place pas au-dessus mais au même niveau que ses hommes, qui est l'un d'entre eux. Tout comme les supporters, le public, les habitants de Liverpool, qui forment ce peuble uni derrière son équipe, un membre à part entière de cet ensemble d'individualités qui ne font plus qu'un au moment du coup de sifflet. 
Les années Shankly sont racontées ici sous la forme d'une épopée, avec ses héros, leurs épreuves, les tergiversations et les réflexions du manager, ses gestes répétitifs qui scandent comme un refrain le rythme des jours qui passent et la tension propre à un drame antique. Les obstacles sont légions sur la route des protagonistes, mais leur réussite n'est pas suspendue à l'intervention d'un quelconque Dieu bienveillant. Elle est due au travail, à la recherche acharnée de la meilleure préparation, de la meilleure combinaison de joueurs, de la meilleure stratégie sur le terrain. Shankly se pose en meneur, avec un discours rôdé et étudié qui agit sur la psychologie de chacun, pour qu'il s'engage à fond dans la bataille. Le roman est long, entêtant, construit sur une structure faite d'innombrables cercles qui semblent tous mener au point de départ et monter comme une spirale. Une transe littéraire qui n'en finit pas, jusqu'au moment où Shankly décide de céder sa place et de ne plus assumer ses fonctions. Alors, les cercles se déserrent, la spirale retombe et on comprend que, pour cet homme-là, le football n'a pas été qu'un sport. Ce fut sa vie et sa manière à lui de tisser une solidarité d'humain à humain, de joueur à supporter, de l'individuel vers le groupe, de créer une alchimie unique en son genre. 

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