samedi 1 octobre 2016

La ferme sur le Rio Esmeraldas

Moritz Thomsen, La ferme sur le Rio Esmeraldas, 1978.
Allez, on n'a pas beaucoup voyagé ces temps-ci, je vous emmène en Equateur ! En livre, certes, mais c'est mieux que rien, non ? Alors, première question : comment n'ai-je pas lu ce bouquin plus tôt ?! C'est Paul Théroux qui y fait référence dans son "Patagonie express", l'un de mes livres préférés que j'ai récemment relu. L'histoire de l'auteur est déjà tout un roman : Thomsen, dégoûté par les violences de la seconde guerre mondiale, décide de devenir fermier en Californie. Après des années de lutte contre la faillite, il vend ses porcs, met la clé sous la porte et s'engage dans le Peace Corps, cette agence du gouvernement américain pour la coopération à l'étranger. Thomsen se retrouve en Equateur, à tenter de "civiliser" les sauvages, et c'est là qu'il rencontre Ramon. Blasé par cette mission qu'il trouve prétentieuse et colonisatrice, le gringo devient ami avec Ramon et ensemble, ils achètent une ferme en pleine jungle équatorienne, au bord du Rio Esmeraldas. C'est parti pour quelques années à défricher, à tenter de cultiver du café, des bananes, à élever quelques vaches, entourés d'ouvriers pas franchement décidés à se crever pour le profit de leurs patrons. Gros vols ou petits larcins, affaires de disputes, de tromperies, d'adultères et de mensonges, tels sont les travers contre lesquels les associés doivent lutter. Ou plutôt, ils ne luttent pas, ils font avec. Ils prêtent gracieusement de l'argent à qui ne leur rendra jamais, embauchent des feignants qui viennent travailler quand ça leur chante. Thomsen s'est depuis longtemps résigné à composer avec ce milieu dont les us et coutumes échappent à toutes les normes et toutes les pressions. 
On a dit que Thomsen était un grand écrivain. On a qualifié ce livre de chef-d'oeuvre. Comment le dire autrement ? Il y a du réalisme magique latino-américain, du Alejo Carpentier dans sa manière de décrire la jungle, de nous la faire sentir, ce fouillis tropical de lianes, de moiteur, de puanteur, de mort et de désirs incontrôlables. On sent la jungle, on la touche presque, elle nous colle à la peau du premier mot au dernier. Il y a du Aimé Césaire, d'ailleurs cité dans le livre, dans la recherche obstinée du mot exact, de l'expression poétique pour décrire la laideur et la pauvreté. On atteint l'absolu en lisant l'aventure de ce Quichotte des temps modernes, de ce gringo illuminé par le désespoir et qui cherche à se créer une nouvelle vie dans un univers aux bases corrompues. 
Mon voyage en Equateur ne s'arrête pas là, car, complètement hypnotisée par cette première lecture, j'enchaîne directement avec le dernier livre de Thomsen, dont je vous parle très vite !

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