lundi 12 juin 2017

Illimani, la lumière du monde

Jean-François Bouygues, Illimani, la lumière du monde, 2017.
Je viens de venir à bout des 600 et quelques pages de ce pavé touristico-mystico-populo-initiatique. J'écris cet article à chaud, mais je pense qu'il me faudrait encore une certaine distance temporelle avant de rendre mon verdict : ai-je aimé ou pas ? suis-je conquise ou déçue ? vais-je l'encenser ou le détruire ? C'est donc sans filet que je me lance dans ma chronique. 

Les points positifs
Amoureux de la montagne, ce livre est pour vous. De Chamonix aux Andes, notre auteur, qui semble au demeurant ultra documenté, nous balade dans des paysages à couper le souffle, dans la description desquels, fois de montagnardes, j'ai parfaitement reconnu les lieux. Qu'il s'agisse des Alpes ou de La Paz, la capitale bolivienne, les références sont exactes et, il faut le dire, relativement exemptes de toute tentative folklorisante. On s'y croirait, vraiment. Les rues, les sommets alentours, les gens. L'esprit de chaque endroit y est dépeint avec une exactitude qui force le respect. Un point très positif donc, puisqu'il est très rare que j'envoie des brassées de roses aux romans qui se sont piqués d'aborder le sujet de la Bolivie. Pour ce qui est de l'alpinisme, et bien que je ne sois pas une experte ès grimpette, le côté technique paraît juste. Quelques références à l'Espagne et notamment à l'Andalousie, un vrai voyage, en somme. 
Les points négatifs
Des descriptions qui tiennent fatalement parfois du dépliant touristique. L'auteur fait faire à ses personnages des compte-rendus détaillés, historiques et culturels, qui donnent une certaine lourdeur à l'histoire. Peut-être sa passion pour les lieux, son envie de bien les présenter, en toute fidélité, son désir de nous instruire. Je ne suis pas objective, je connais tout cela. Pour quelqu'un qui ignore tout de la Haute Savoie ou de la Bolivie, pourquoi pas, même s'il existe un risque de perdre le lecteur. Pour sa défense, je répète que j'ai guetté la faute, la boulette, l'erreur fatale... et que je n'en ai pour ainsi dire pas trouvé. Examen réussi, malgré tout. De justesse. Là où j'ai senti poindre l'exaspération, c'est dans les multiples références à la culture populaire (télévisuelle, cinématographique, littéraire, culturelle). Quelquefois, passons. Cependant, de manière répétitive et quasi systématique, j'avoue, cela m'a lassée. Trop, c'est trop. Des citations d'Alphonse Allais, de Luis Mariano et du Da Vinci Code, pêle-mêle, au beau milieu de l'écrit. Je n'ai pas accroché au concept. Ce qui me plaît, dans l'intertextualité, ce sont les références habiles à d'autres auteurs ou des répliques célèbres lorsque cela se fait en toute harmonie. Tout le contraire d'une phrase présentée entre guillemets avec une note de bas de page systématique destinée au lecteur ahuri et à qui l'on dit "eh, t'as vu, j'ai cité une chanson de Renaud !". Faire confiance au lecteur, toujours. Ne jamais le sous-estimer sous peine de le vexer. 
Pourquoi j'ai lu le livre jusqu'au bout alors qu'il dépasse les 600 pages 
Alors oui, j'ai été agacée. Oui, le côté mystique poussé à la limite de la caricature m'a fait hérisser le poil, m'a presque fait sourire tellement c'était gros, tellement le dénouement était annoncé dès les premières pages ou presque. Non, je n'ai pas été confrontée à un style littéraire transcendant qui m'a fait dresser le poil. Mais, mais, mais... Les personnages sont bien construits, possèdent un véritable caractère, un parcours de vie et un langage qui leur est propre. Donc on s'intéresse à eux. Ils reflètent aussi des questionnements existentiels et des failles qui sont universels. Donc on s'attache. Le fait de faire alterner leurs voix façon roman choral en les transformant tour à tour en narrateur est assez bien joué. Donc on les suit. Donc on ne s'ennuie pas. Donc on finit la lecture des 600 pages sans rechigner. CQFD. Le roman initiatique, quand il s'appuie sur des protagonistes aux contours bien dessinés et qu'il se situe dans des lieux parfaitement décrits, est forcément réussi. Vers la 598 ème page, je me suis demandée si, dans le cas d'un roman situé dans le Sahara Marocain, en Ukraine et en Thaïlande, j'aurais terminé cette lecture. Je n'en sais strictement rien. Le bagage culturel qu'il véhicule, c'est toute mon enfance, c'est toute ma vie. Évidemment, ça joue. Cependant, je laisse le bénéfice du doute. Et je le conseille. Allez donc faire un tour aux pieds des neiges éternelles de l'Illimani. Suivez donc un moment les pas de Solo, à la recherche de son père et de lui-même. Et avec un peu de chance, ça vous remettra les idées en place. Peut-être même que ça vous donnera envie de voyager. 
Illimani - La Paz - février 2014

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