mardi 17 octobre 2017

Géopolitique du moustique

Erik Orsenna, Dr Isabelle de Saint Aubain, Géopolitique du moustique, 2017.
Erik Orsenna pourrait bien écrire sur le plus insignifiant des sujets qu'on aurait plaisir à lire son livre. Après avoir entendu l'académicien présenter son nouvel ouvrage dans une émission de radio, on ne pouvait faire autrement que d'avoir l'eau à la bouche.

Le moustique, cette petite bestiole qui virevolte et, il faut le dire, pourrit nos soirées estivales, fait moins peur en France que dans les contrées exotico-tropicales... et pourtant... Pourtant, avec le réchauffement climatique, ces résidents piquants de notre planète migrent vers nous. Pourtant, la zone située entre Marseille et Perpignan a depuis toujours connu des épidémies de fièvres dues aux insectes. Alors, puisque nous sommes appelés à être voisins, autant bien se connaître. Tout au long de son enquête, Erik Orsenna fait l'étudiant et se rend au chevet des plus prestigieux chercheurs sur la question de la vie, de la nature et des moustiques. Tous ses interlocuteurs sont à la fois passionnants et inquiétants, car ils pointent du doigt le même fait : les moustiques sont extrêmement nombreux, ils résistent aux affreux virus qu'ils transportent, ils possèdent un pouvoir énorme de contamination, ils se reproduisent à une vitesse folle et savent s'adapter à n'importe quel milieu, il en existe une variété d'espèces impressionnante. A côté des moustiques, l'homme est parfaitement minable. Nous pourrions rester béats d'admiration devant ces petites bestioles...si nous ignorions quels dégâts ils causent à travers le monde. Dengue, paludisme, fièvre jaune, virus zika... ce collier de noms plus effrayants les uns que les autres ont de quoi dégoûter à jamais de vouloir bien considérer les moustiques. Pour certains d'entre eux, des vaccins existent, qui aident nos organismes à se défendre lors des attaques suivantes. Pour d'autres, en revanche, aucune solution n'a encore été trouvée. Une histoire de gène, de cellule, d'un je ne sais quoi de très technique qui manque à notre connaissance. Nous voilà alors entraînés dans une étude approfondie de ce que sont les bactéries et le petit monde des virus. On recherche en permanence des solutions. A une époque, ce fut le très nocif insecticide DDT qu'on pulvérisa allègrement sur les paysages et les populations, lesquelles en gardèrent des séquelles à vie. Depuis, on essaie de faire mieux, moins pire. Sans que ce soit terrible. La prévention reste encore le meilleur moyen de se prémunir contre les piqûres. Répulsifs, nettoyage des recoins propices à la croissance de larves, moustiquaires. Mais que faire lorsque l'ennemi est si nombreux et si persévérant ? La science essaie elle aussi de s'en mêler, en tentant le lâcher dans la nature de milliers de mâles inoffensifs qui pourraient anéantir petit à petit la fonction porteuse de virus de l'espèce ; ou encore en modifiant génétiquement des spécimens pour les rendre tout mignons. Mais qu'adviendrait-il alors ? Ne joue-t-on pas là aux apprentis sorciers ? Il n'en demeure pas moins de Zika fait encore des ravages, que des bébés sont atteints de microcéphalies et que les moustiques tigres, les bien nommés, sont à notre porte. Plus de Guyane ou de Cambodge qui tiennent, les Européens sont également concernés.
Un voyage étonnant à travers le vaste monde et son pendant microscopique, mené de main de maître par la plume vive et inégalable d'Erik Orsenna. 

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